Vous avez dit égalité des chances?

De l’impact de la culture d’une école sur la réussite scolaire

par
Jean-Marc Phelippeau
|
14
June
2022
Réussite

La culture de toute organisation a un impact essentiel sur la performance de celle-ci. Et cela ne vaut pas que pour les entreprises…

Il se trouve que j’ai eu personnellement l’occasion (même si cela remonte à trente ans maintenant) de vivre deux fois la même année de classe préparatoire scientifique dans deux établissements différents, ayant dû redoubler mon année de « math spé » : après un séjour de deux ans dans une bonne « prépa » de province, j’ai ainsi débarqué dans l’une des meilleures prépas parisiennes.

Il s’agit donc d’un témoignage personnel. D’une comparaison vécue de l’intérieur, de deux organisations prenant part chaque année à une compétition intense, exigeante et sélective, celle des concours d’entrée aux grandes écoles d’ingénieur.

Avec le recul, d’où vient selon mon expérience la différence de niveau considérable entre ces deux établissements, qui se confirme encore aujourd’hui année par année dans les classements? De la qualité du recrutement des élèves, sans doute. De la valeur des profs, probablement. Mais surtout d’un état d’esprit et de valeurs qui étaient, à l’époque du moins, sensiblement différents.

En voici l’illustration par trois exemples qui m’ont particulièrement frappés.


Rapport à l’échec

Dans mon ancienne prépa, les « cinq-demis » (les redoublants, dans le jargon des prépas scientifiques) étaient peu considérés. En classe, ils occupaient tous le dernier rang, et n’avaient par exemple plus le droit à l’internat. Bref, ils étaient vus comme des « losers » et l’administration du lycée le leur faisait bien sentir.

Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que dans ma nouvelle prépa, les redoublants étaient tous assis… au premier rang. Et que toutes les fonctions d’encadrement (type « délégué de classe ») leur étaient dévolues. Ils étaient valorisés. Ils avaient été « au front », avaient acquis l’expérience des concours d’entrée aux grandes écoles. Et cet apprentissage précieux, ils pouvaient, devaient maintenant le transmettre aux plus jeunes.

Culture du résultat

Dans mon ancienne prépa, au début des vacances de Pâques (c’est-à dire à moins de trois semaines du début des épreuves écrites des concours), chacun s’était retrouvé livré à lui-même : les cours étaient terminés, les profs nous avaient donné rendez-vous après les écrits.

Ils avaient fini de donner leurs cours donc ils considéraient qu’ils avaient fini leur boulot, dans une pure logique d’obligation de moyens.

Imagine t-on un sportif de haut niveau être abandonné par son coach et son kiné trois semaines avant les Jeux Olympiques?

Dans ma nouvelle prépa, le cadre protecteur et nourricier de l’institution restait présent dans cette phase cruciale de vacances scolaires, dans ces dernières semaines de préparation et de révision.
Dès février, tout était organisé pour qu’on parte à Pâques par groupes de 3 ou 4 dans la famille de l’un des membres du groupe. Au programme, une épreuve écrite chaque matin, la préparation des épreuves orales chaque après-midi. Et surtout le fun et la dynamique d’un petit groupe 24h/24.

Solidarité et partage d’expérience

Les épreuves orales des concours sont des moments de stress intenses, à très fort enjeu. En 45 minutes d’oral de maths avec un très fort coefficient, beaucoup de choses se jouent.

Dans ces conditions, connaitre en amont la personnalité de l’examinateur (certains sont mutiques ou peuvent déstabiliser d’une manière ou d’une autre) et ses marottes (les parties du programme sur lesquelles il est le plus susceptible de vous interroger, voire les types d’exercices qu’il affectionne) sont un avantage concurrentiel majeur!

Dans mon ancienne prépa, ceci était tout simplement ignoré. Chacun découvrait en direct à qui il avait affaire, et se débrouillait comme il pouvait.

Si je reprends une métaphore sportive, c’était l’équivalent de jouer une finale de compétition de foot à l’aveuglette, sans avoir le moindre idée des schémas tactiques habituellement utilisés par l’équipe adverse, ni de ses individualités.

Après chaque oral dans ma nouvelle prépa, nous étions invités à consigner par écrit ce genre de choses dans un cahier prévu à cet effet, que ceux qui passaient après nous ou l’année suivante pouvaient consulter.

It's the culture, stupid!

Je vais m’arrêter là, je crois que vous avez compris le principe!

Mon message essentiel en vous relatant cette expérience est qu’une bien meilleure performance ne passe pas nécessairement par des investissements coûteux ou des recrutements de grands experts (l’équivalent de la « bête à concours »), onéreux également, mais que la culture joue un rôle essentiel.

Et une culture, ce sont des valeurs, des petits gestes au quotidien, et des symboles.

Qu’il appartient à tout dirigeant de revisiter, de changer si besoin, et d’incarner!